Actualités réglementaires
Par Nathalie TANZI, Managing Partner tanzi.nathalie@tempestlegal.com +377 97 98 12 54INTRODUCTIF/ DISCLAIMER
L’objectif des Actualités Juridiques Mensuelles (AJM) est de rappeler les points d’actualité durant le mois écoulé, à destination des cadres dirigeants, et des Compliance Officers afin de les alerter sur tout texte juridique, jurisprudence, ou publication d’intérêt dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.
En aucun cas, ces Actualités ne constituent un conseil juridique ou réglementaire.
Bonne lecture !
Sommaire
I – Conformité LCB/FT-C (toutes professions confondues, financières et non financières)
II – Evolutions réglementaires et doctrine (bancaire et non financier)
III – Commentaires de Jurisprudence (toutes professions confondues)
IV – Protection des Données (toutes professions confondues)
I- CONFORMITE LCB/FT-C

Monaco – Publication du Rapport Annuel SICCFIN
Le Rapport Annuel du SICCFIN, vient, cette semaine, d’être mis en ligne par les autorités.
Il suit sa présentation traditionnelle, sur le rôle du SICCFIN, la participation des acteurs financiers et non financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux, financement du terrorisme et corruption. L’on note une présentation plus étoffée sur la coopération nationale et internationale.
Ainsi, près de 60 demandes d’information ont été reçues par la SICCFIN. Conformément aux dispositions aux articles 40 et 50 de la Loi, des informations sont adressées par les institutions financières et non financières. Sur les 57 demandes présentées, la majorité des demandes provient du Parquet. Mais fait notable, un avocat a présenté une demande au SICCFIN.
Les principales informations sous-jacentes (ou infractions principales) restent : faux et usage de faux, escroquerie, mais aussi la corruption active. Pour mémoire, la corruption active se caractérise en Principauté de Monaco, de solliciter une démarche auprès d’un agent public ou privé. La corruption active se place du point de vue du corrupteur.
Le SICCFIN a utilisé son droit d’opposition de réalisation d’une opération financière pour un montant de 4,2 Millions EUR. Ce droit a été relayé par un séquestre de la somme correspondante par le Président du Tribunal de Première Instance.
Fait notable, un chapitre est consacré à la lutte contre la corruption en Principauté de Monaco. Le SICCFIN avait, par le passé fait la publication d’un Manuel de sensibilisation à la lutte contre la corruption.
Ce Manuel a été retiré de la publicité et la nouvelle étude, produite dans le Rapport d’activité du SICCFIN est une analyse thématique et factuelle sur les cinq dernières années.
La corruption constitue une infraction principale ou une infraction connexe à celle de blanchiment. 22 rapports transmis par le SICCFIN font l’objet d’une étude approfondie, en 2020, en hausse par rapport aux années précédentes, sur l’infraction de corruption.
Les Déclarations de Soupçon sont assez stables, et 9 déclarations (sur 655), ont porté sur des faits possibles de corruption, le montant est donc particulièrement faible.
Les schémas de corruption ont pu être relevés dans le secteur de l’immobilier et de l’énergie avec :
– Le paiement de pots de vins dans le cadre d’attributions de contrats, d’autorisations, y compris en ayant recours à des conseils administratifs ;
– Des versements en espèces suivis de transferts à l’étranger ;
– Le recours à des professions non financières est fréquent, notamment lorsque des Personnes Politiquement Exposées
– Des comptes de passages, sociétés écrans et centre off-shore peuvent être utilisés ;
– Les investissements privilégiés sont les investissements dans l’immobilier et dans le secteur financier.
Plusieurs cas typologiques sont présentés.
CAS n°1 : les indices de corruption relevés sont :
– Personne physique spécialisée dans le BTP, ayant un compte ouvert dans un établissement de la place ;
– Recours aux comptes personnels et professionnels pour le transfert de fonds ;
– Octroi de marchés publics de cette personne à un tiers, de manière simultanée (cas de corruption passive) ;
– Paiements transmis à des PPE à l’étranger et sur le compte de la personne physique ;
– Décorrélation entre les factures et les prestations réalisées ;
– Existence de contrats de prêts peu cohérents.
Les faits incriminés, dans le cadre d’une commission rogatoire internationale, sont : faits de corruption, trafic d’influence actif et passif, blanchiment de fonds.
CAS n°2 : les faits allégués de corruption proviennent d’une Déclaration de Soupçon d’une banque monégasque ayant abouti à une transmission au Parquet.
Les principales caractéristiques de ce schéma typologique sont les suivantes :
– Refus d’entrée en relation avec le dirigeant d’une société spécialisée, dans la construction, la rénovation et la restauration des lieux publics. Le refus d’entrée en relation provenait de renseignements négatifs sur la personne (soupçons de détournement de fonds publics et de corruption ;
– Carte de séjour de l’intéressé neutralisée (rôle de la coopération nationale, art 50) ;
– Multiplication de comptes ouverts auprès des établissements bancaires de la place ;
– Multiplication des refus d’entrée en relation d’autres banques de la place monégasque.
CAS n°3 : intervention d’un professionnel non financier (Corporate Service Provider).
Les principales caractéristiques relevées sont les suivantes :
– Constitution d’une société offshore par le Corporate Service Provider monégasque avec des titres au porteur ;
– Conversion des titres au porteur en titres nominatifs et ouverture simultanée de comptes bancaires en Principauté de Monaco ;
– Existence de mouvements de fonds entre deux sociétés offshore (A et B) détenus par le même Bénéficiaire Economique Effectif ;
– Lien entre le dirigeant de la société offshore constituée à Monaco et des Personnes Politiquement Exposées ;
– Origine de la fortune (source of wealth) n’a pu être corroborée par des documents probants ;
– La source des fonds (source of funds) n’a pas pu être corroborée par des documents probants ;
– Existence de coffre forts détenus par des personnes liés au client de la CSP monégasques ;
– Transactions réalisées en lingots d’or.
CAS n°4 : faits allégués de corruption liés aux activités d’import-export d’objets de grande valeur (véhicules et bateaux de plaisance) au travers d’une société commerciale autorisée en Principauté de Monaco.
Les éléments suivants ont été relevés :
– Intervention d’une personne physique, à l’étranger ancienne Personne Politiquement Exposée, qui fait des transferts conséquents auprès de la société commerciale autorisée en Principauté de Monaco ;
– Transit des fonds pour acheter un bateau de plaisance par l’intermédiaire de la société commerciale monégasque.
POUR ALLER PLUS LOIN :
www.siccfin.mc Pages 72 à 86COMMENTAIRES TEMPEST
Les cas typologiques de corruption doivent être présentés et analysés dans le cadre des formations annuelles ou continues, à l’ensemble du personnel de l’entreprise assujettie, qu’il s’agisse de professions financières ou non financières.
La connaissance, par le biais des formations et du Manuel de Procédures Internes de certaines infractions principales, qui sont relevées par le SICCFIN, est essentielle y compris le trafic d’influence :
– Le suivi des PPE même après la perte de cette qualité (aux termes des textes, la période d’un an est fixée pour garder la qualité de PPE) est essentielle ; les proches de PPE comme gérants de l’immobilier doivent faire l’objet d’une attention particulière exigeant de la part des professionnels, des politiques et des procédures précises concernant l’entrée en relation avec les PPE ainsi qu’avec les personnes étroitement associées aux PPE ;
– L’existence de listes d’activités sensibles, et la mise à jour de ces dernières est importante pour le professionnel assujetti, financier et non financier ;
– La corroboration des éléments de source of wealth et de source of funds, est un travail essentiel du Compliance Officer ;
– Le manque de corroboration aboutit à la caractérisation potentielle d’une opération inexpliquée, donc atypique donc ce manque de corroboration justifie la rédaction d’un Examen Particulier par le professionnel assujetti ;
– Le SICCFIN relève, comme traits caractéristiques également, au terme de cette analyse, le lien entre la direction de l’entreprise et le critère Bénéficiaire Effectif de la personne morale (le dirigeant est également bénéficiaire effectif) ;
– Les principales sociétés monégasques visées sont des SARL et des SCI ce qui nécessite de la part du professionnel une analyse pertinente de qui contrôle réellement l’entité personne morale, en Principauté de Monaco ;
– L’immobilier est un secteur particulièrement exposé à des faits susceptibles d’être qualifiés de corruption ;
– L’analyse comptable est essentielle pour détecter des faits de corruption.
Le Rapport Annuel du SICCFIN comporte toujours une partie intéressante sur les contrôles sur pièces et sur place, qu’il convient de rappeler au titre des AJM.
Le rapport relève une baisse de la communication des procédures internes des bijoutiers et du secteur de yachting.
S’agissant des Rapports Annuels d’activité des professions non financières, le SICCFIN note une plus faible qualité des Rapports Annuels pour les agents immobiliers et les marchands de bien. La faible qualité tient au fait que peu d’éléments sont produits sur l’appréciation de l’organisation administrative et sur les types de contrôle menés en interne.
22 missions de contrôle sur place ont été menées au cours de l’exercice 2021, dont 6 agents immobiliers, 2 agents sportifs, 2 huissiers de justice (avec l’aide du Parquet général).
Un contrôle pour le compte de l’autorité suisse a été mené avec la FINMA, comme l’accord de coopération signé avec le SICCFIN le prévoit.
Les principaux constats sont les suivants, à l’issue des missions de contrôle :
– Des procédures internes peu pratiques ;
– L’identification des Bénéficiaires Effectifs peut présenter certaines lacunes pour les professions non financières ;
– Les outils de surveillance sont à parfaire ;
– L’approche par les risques, l’analyse de risque pour les professions non financières est à parfaire.
143 rapports du SICCFIN ont été transmis à la CERC (Commission d’Examen des Rapports de Contrôle).
Monaco – Publication du Rapport Annuel de la Commission de Contrôle des Activités Financières
La Commission de Contrôle des Activités Financières (CCAF) vient de publier sur son site, son dernier Rapport Annuel, pour l’année 2021.
L’on apprend ainsi que la CCAF a mené six missions de contrôle au cours de l’exercice 2021, dont deux relatives à des établissements de crédit et quatre pour des sociétés d’activités financières.
Cinq missions ont donné lieu à des lettres de fin de mission après implémentation des mesures correctrices par les sociétés concernées.
D’autres régularisations seront menées au cours de l’exercice 2022.
On apprend aussi que les interventions du régulateur s’élargissent dans le cadre de l’éducation financière des sociétés agréées et à des agréments de type nouveau :
– Participation à la commission certification professionnelle ;
– Participation à la commission instituée par l’article 2 de la Loi n° 1.491 relative aux offres de jetons.
POUR ALLER PLUS LOIN :
COMMENTAIRES TEMPEST
Le droit financier évolue, notamment le droit des instruments financiers, mais aussi le rôle du régulateur CCAF au titre des nouvelles activités financières. Le champ de la régulation s’élargit et le Compliance Officer ou le Responsable Conformité doit être formé en permanence à ces nouvelles activités.
France – L’AFA (Agence Française Anti-corruption) a publié, dès le mois d’avril un guide sur les contrôles comptables en entreprise.
La consultation de ce document par les experts comptables et les professionnels financiers et non financiers assujettis à un contrôle comptable est intéressante, en raison des remarques effectuées par le SICCFIN sur l’étude lutte contre la corruption intégrée dans le dernier Rapport Annuel d’activité.
Une cartographie des risques par les professionnels assujettis, pour recenser les risques de corruption est essentielle.
Les contrôles comptables doivent porter, chez le professionnel assujetti, sur les zones de risque identifiées : flux permettant d’identifier un possible trafic d’influence, contrôles généraux informatiques.
Exemples :
– Commandes à un prix supérieur à une contrepartie ;
– Paiement d’une facture supérieure au montant du produit / service rendu ;
– Nécessité de mettre en place des process de validation et de contrôle par des personnes indépendantes des différents marchés.
L’efficacité des contrôles comptables relève du troisième niveau de contrôle en matière de lutte contre la corruption et doivent être présentés aux instances dirigeantes.
COMMENTAIRES TEMPEST
Les procédures de contrôle interne devraient intégrer les spécificités de la lutte contre la corruption, et la cartographie des risques (une cartographie des risques dédiée) doit être mise en place.
Les contrôles de troisième niveau, notamment dans les groupes, devraient intégrer un contrôle comptable de lutte contre la corruption, s’appuyant sur un référentiel précis et un traitement des anomalies (et le délai de suivi).
Europe – Le 4 octobre 2022, la Commission Européenne a décidé d’ajouter Anguilla, les Bahamas et Turks and Caicos dans la liste des pays non coopératifs au titre de la fiscalité.
12 juridictions sont désormais concernées (les juridictions sont indiquées en anglais) :
• American Samoa
• Anguilla
• The Bahamas
• Fiji
• Guam
• Palau
• Panama
• Samoa
• Trinidad and Tobago
• Turks and Caicos Islands
• US Virgin Islands
• Vanuatu
Le Conseil Européen a indiqué les raisons pour l’inscription de nouvelles juridictions : il s’agit notamment que ces trois juridictions n’ont pas preuve d’implication sur la conformité fiscale sur : la gouvernance fiscale sur les biens, la transparence fiscale, les prix de transfert. Par exemple, l’annexe II du document européen (voir référence ci-après) indique que les trois juridictions concernées ne disposent pas de taxation des entités commerciales, ou d’une faible taxation et ne se conforment pas au Code of Conduct Group.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Le Code de conduite européen sur la fiscalité – Code of Conduct Group, business taxation- vient d’être mis à jour, sert de référentiel pour l’appréciation du caractère coopératif et non coopératif d’une juridiction.
Il peut être localisé à l’adresse suivante avec un renvoi direct à la liste des pays / juridictions non coopératifs : https://www.consilium.europa.eu/en/council-eu/preparatory-bodies/code-conduct-group/
COMMENTAIRES TEMPEST
La Matrice de Risque des professionnels assujettis, pour le risque pays, doit être mise à jour sur ces pays et notamment pour ce qui concerne les Bahamas et la non-conformité fiscale.
II- EVOLUTION REGLEMENTAIRES et DOCTRINE

Mesures de gel des avoirs
Les professionnels assujettis, financiers et non financiers, pourraient prendre intérêt de regarder le site du Trésor Français sur la liste des biens immobiliers faisant l’objet d’une mesure de gel des avoirs. L’ensemble des professionnels de la place a une obligation de résultat en matière de conformité sur la législation relative aux mesures de gel des avoirs.
Cette liste vient d’être mise à jour récemment. Elle est mise à jour régulièrement et porte sur beaucoup de biens immobiliers dans les Alpes-Maritimes ainsi que des biens situés à Courchevel.
Proposition de loi à Monaco déposée le 5 octobre 2022, portant modification de diverses dispositions en matière du numérique
La proposition de loi est consécutive à la Loi n° 1.528 du 7 juillet 2022 portant modification de diverses dispositions d’ordre juridique et économique en matière de numérique et réglementation des activités des prestataires de services sur actifs numériques ou sur crypto actifs.
L’objectif de la proposition de loi est d’adapter certaines situations sans cesse en évolution.
Il s’agit notamment de renforcer les garanties en matière d’identité numérique, dans le cadre de l’utilisation de certains services.
Fait important pour les professionnels, cette proposition de loi crée un nouveau service de vérification d’identité à distance et précise l’utilisation des avatars.
Pour mémoire, la notion d’avatar a été créée par la Loi n° 1.528 du 7 juillet 2022 portant modification de diverses dispositions en matière du numérique et réglementant des activités de prestataires de services sur actifs numériques ou sur crypto actifs.
Un avatar se définit comme « une forme numérique choisie par l’utilisateur pour le représenter graphiquement dans un métavers ». Le métavers représente un monde virtuel, qui va être accessible à un grand nombre d’utilisateurs. Les avatars font l’objet de trois niveaux de garanties lors de l’authentification : faible, substantiel, élevé.
Un autre niveau devrait être inséré, « l’oracle sur technologie de registre distribué ». Un oracle est un mécanisme qui consiste à intégrer des données au sein d’une technologie blockchain, à partir de sources externes qui sont fournies par un tiers ou par un logiciel. Ces données peuvent être transmises par un tiers de confiance tel qu’un notaire ou un huissier etc.
S’agissant de la vérification de l’identité à distance, la Principauté de Monaco a souhaité s’inspirer du système de sécurité français (ANSSI).
III- COMMENTAIRES DE DECISIONS DE JURISPRUDENCE D’INTERET

Pas de commentaires d’intérêt ce mois-ci au titre des AJM.
IV- PROTECTION DES DONNEES : DELAIS DE CONSERVATION ET CCIN

Les dernières délibérations de l’autorité de contrôle monégasque (CCIN) en matière d’autorisation des traitements relatifs à la gestion des process de lutte anti blanchiment mentionnent encore, les points suivants qui devraient faire l’objet d’attention particulière des professionnels assujettis : – Interconnexion entre traitement « blanchiment » et « messagerie professionnelles » à soumettre de manière simultanée à la CCIN ; – Le droit d’accès indirect doit être clarifié aux clients, partenaires etc. ; – Le respect des dispositions monégasques de la Loi n° 1.362 sur l’embauche des salariés (honorabilité) pour les professionnels financiers et non financiers doit être analysé scrupuleusement. Les droits des personnes salariés doivent être préservés et la collecte d’information doit proportionnelle et légitime. La conformité des recherches sur les salariés doit être de manière incidente, à l’embauche et non de manière continue.
Par ailleurs, la CCIN a précisé, pour les traitements relatifs aux enregistrements téléphoniques, que les réponses aux demandes de droit d’accès des personnes concernées doivent être effectuées dans le mois suivant la réception de la demande.
La copie et les extractions des enregistrements téléphoniques doivent être chiffrées.
Ce point est important pour les accès, par les régulateurs, de certaines données contenues dans les enregistrements téléphoniques pour mener à bien leur mission de contrôle.
POUR ALLER PLUS LOIN :
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